[critique] Limitless (de Neil Burger, 2011)

Réalisé par: Neil Burger

Avec: Bradley Cooper, Robert De Niro, Abbie Cornish, Johnny Whitworth…

Nationalité: Américain

Date de sortie: 8 Juin 2011

Genre: Thriller

Un mix de: Vanilla Sky (ou Abre Los Ojos), Déjà vu, L’effet papillon, Pi, The Lawnmower Man…

Un écrivain en manque d’inspiration, une drogue qui permet d’utiliser son cerveau à 100%, Robert de Niro en patron de multinationale peu scrupuleux de l’éthique financière… le film de Neil Burger fourmille de mille bonnes idées. Mais est-ce suffisant pour en faire un film de qualité ? Réponse dans la critique de Limitless…

D’abord, il y à cette histoire d’écrivain raté. Ce n’est pas que l’auteur Edward Mora soit particulièrement mauvais, il se trouve juste dans une période de sa vie où il devient difficile de trouver l’inspiration. La spirale infernale de la page blanche s’enchaînant, on le retrouve en totale manque de confiance, incapable de s’assumer, de gérer son stress ou de communiquer avec aisance.
Mais surtout, il y à cette histoire de drogue. Lorsqu’il croise par hasard son ancien beau frère, devenu consultant pour un groupe pharmaceutique, c’est l’occasion pour l’auteur d’essayer un nouveau produit révolutionnaire, le NZT. Aux effets spectaculaires, ces gélules permettent de décupler de façon considérable les capacités du cerveau humain ; hausse impressionnante de la réactivité, possibilité d’anticipation, bien être, aisance orale et mémoire décuplée. L’occasion parfaite pour Edward Mora d’entreprendre ce qu’il ne pouvait que rêver auparavant : une ascension sociale fulgurante, passant de l’univers de l’écriture au monde de la finance. Ce sera sans compter sur les effets pervers de cette drogue particulièrement convoitée.

Tout ne se passera pas comme prévu. Le film commence à la fin du récit, alors que l’écrivain a franchi tous les paliers de la réussite sociale grâce aux pilules de NZT. Propriétaire d’un luxueux appartement en plein cœur de New-York, costume trois pièces d’une valeur inestimable, il semble néanmoins préoccupé, prêt à se jeter dans le vide depuis son balcon. Le film se déroule donc tel un flashback nous permettant de comprendre comment et pourquoi il se retrouve dans une telle situation, comment cette drogue pourtant révolutionnaire a fait de lui cet homme torturé.

Le récit s’articule autour de deux temps bien distincts; les périodes « clean », représentés par un rythme lent et des couleurs ternes, et les périodes « sous influence », évoquées par des filtres visuels aux couleurs chaudes, dorées, et une cadence trépidante. Ces moments, accompagnés de divers effets stylistiques plus ou moins utiles, configurent une véritable cassure dans le récit, illustrant à merveille les méandres d’un cerveau aux capacités décuplées. Il s’agit là de la véritable force de Limitless; créer un film à deux visages qui permet au spectateur de subir, en quelques sortes, les effets de cette drogue.

Malheureusement, on pourra reprocher à Neil Burger d’être trop démonstratif. Comme pour prouver la modernité de son film, il accumule plans retords, changements de couleur et de vitesse jusqu’à l’overdose… Avouez, c’est un comble pour un film sur les drogues…

Sur les drogues? Pas vraiment. Limitless s’attache plus illustrer la complexité du cerveau humain et à dénoncer une société de performance, le culte du pouvoir et de l’invincibilité plutôt que de plonger dans l’univers sinueux des drogués. Les conséquences d’un tel choix sont, selon moi, particulièrement désavantageuse pour l’œuvre finale… En nous emmenant dans un scénario complexe mais surtout illustré à l’emporte pièce, Limitless se perd à travers des chapitres particulièrement mal noués entre eux. Et puis, pas aidé par un son rythme, certaines parties s’enchaine de façon trop hâtive, au risque de nous larguer dans un récit gonflé aux stéroïdes…

Alors certes, l’idée de départ et bonne, la forme, critiquable, n’en reste pas moins agréable, mais le fond aurait clairement mérité une autre considération, un autre angle de vue. Adapté d’un livre particulièrement sombre (The Dark Fields d’Alan Glynn) plus proche d’un Hubert Selby Junior que d’un Marc Lévy, on était en droit d’attendre une œuvre plus complexe mais surtout moins grand public (en d’autres termes plus proche d’un Requiem For A Dream ou d’un Trainspotting). En aboutissant à une sorte de consensus entre forme originale et fond profondément « mainstream« , il en résulte ce film qui, comme le cerbère (gardien de la porte des enfers dans la mythologie grecque) et ses deux têtes, se retrouve tiraillé entre deux forces qui le dévorent. Analogie qui se retrouve dans tous les aspects du film (fond ≠ forme; périodes clean ≠ périodes sous influence; film sombre et nonchalant ≠ mainstream, grand public). La fin, très éloignée de celle du livre d’origine, illustre à merveille ce propos et vient mettre un bien triste point final à un récit prenant mais largement sous exploité.


Mon dernier regret viendra de celui qui campe le rôle d’un patron peu soucieux de l’éthique financier, Robert de Niro. Comme dans Stone, critiqué ici, on ne peut strictement rien lui reprocher. Mais son rôle aurait clairement mérité à être étoffé, à prendre plus d’ampleur, plus d’importance dans l’histoire. Un tel monstre sacré mérite plus de consistance que le personnage qu’il incarne ici. Enfin, rien à redire concernant Bradley Cooper qui joue très bien son rôle de paumé/drogué survitaminé.

Derrière une qualité visuelle certaine (qui confine par moment à la prétention), Limitless souffre de véritables faiblesses scénaristes. Mais, plus grave, le film est desservi par l’indécision de ses réalisateurs et metteurs en scènes, plus soucieux d’en mettre plein les mirettes aux spectateurs que de proposer un récit riche, aussi sombre que l’histoire qui nous est narrée. Se contentant d’effleurer un sujet d’une richesse foisonnante, Neil Burger propose un film divertissant, rythmé mais malheureusement trop attaché à l’apparence, et trop peu au fond… Film à conseiller pour passer un bon moment. Point.

3 réponses sur « [critique] Limitless (de Neil Burger, 2011) »

  1. Bon article,trés pertinente mise en mot des impressions mitigées qu’a pu laisser transpirer le film.
    Un grand plaisir de lire tes critiques qui sont assez bien étayées dans l’ensemble. Bonne continuation dans cette veine,au plaisir de te lire encore.

  2. Et bien j’étais plutôt sceptique avant de voir ce film, notamment à cause de la présence de Bradley Cooper (je n’ai pas aimé Very Bad Trip et son rôle de Fûté dans The A-Team… je préférais l’original). Bref. J’ai aimé ce film (merci la V.O.), pas le film de l’année mais parfait en film du samedi soir quand on a rien d’autre à faire. Comme tu le dis si bien, ce Bradley s’en tire bien, De Niro un peu moins. Je suis moins déçu que toi car finalement j’en attendais rien de spécial, contrairement à toi. D’où une suggestion: afin de garder ton objectivité intacte et ta pertinence dans la critique, prends garde à ne pas te laisser polluer par les avis des gens ayant déjà vu le film. A bon entendeur ;o)

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